1. L'évolution législative et règlementaire
Les pouvoirs publics ont constaté que les dépenses de transports sanitaires étaient en forte hausse depuis des années pour atteindre 6.3 milliards d'euros en 2023, dont 60 % au titre du « transport assis professionnalisé » (TAP), c'est-à-dire les véhicules légers sanitaires (VSL) et les taxis conventionnés.
Or, dans un certain nombre de cas, le montant à la charge de la Sécurité sociale pourrait être réduit si un même véhicule pouvait transporter plusieurs patients pour un seul trajet plutôt que de multiplier les trajets individuels sur une même journée.
Les parlementaires ont par conséquent adopté dans le cadre de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024 un article 69 prévoyant, dans un certain nombre de cas, des mesures visant à inciter les patients à recourir au transport partagé.
Le décret du 28 février 2025 et un arrêté du même jour, commentés dans une circulaire CNAM du 23 avril, ont permis la mise en œuvre, partielle de ce dispositif.
2. Le dispositif
Le Code de la Sécurité sociale définit le transport partagé comme étant le transport simultané d'au moins deux patients dans un VSL ou un taxi conventionné, sur tout ou partie du trajet.
L'état de santé des patients doit permettre le transport partagé et les situations ou véhicules d'urgence ne sont pas concernés. Le prescripteur doit indiquer l'éventuelle incompatibilité au moment de la prescription.
Ne sont concernés par cette obligation de partage que les patients qui se rendent à des soins itératifs, c'est-à-dire réguliers et programmés.
La liste de ces soins est précisée :
• traitements médicamenteux systémiques du cancer
• séances de radiothérapie
• séances de traitement de l'insuffisance rénale chronique par la pratique de l'épuration extrarénale
• soins médicaux de réadaptation
• séances, traitement ou soins dans le cadre d'une hospitalisation de jour
Les détours pour aller chercher les différents patients sont encadrés par la réglementation (le patient ne peut se voir imposer un détour de plus de 10 km par co-passager, dans la limite de 30 km), de même que le délai d'attente sur le lieu de soins, qui ne peut excéder 45 minutes.
Le patient reste « libre » de refuser ce transport partagé, mais s'expose dans ce cas à deux sanctions, dont il est préalablement informé par le transporteur avant de confirmer son refus :
• l'absence du bénéfice du tiers payant Sécurité sociale (sauf bénéficiaires de l'AME ou de la complémentaire santé solidaire). Le patient devra donc faire l'avance de frais auprès du transporteur avant de se faire rembourser par sa CPAM. Cette mesure est entrée en vigueur avec la parution des textes réglementaires.
Attention : A l'heure actuelle aucun texte ne dispense les complémentaires de leur obligation, au titre du contrat responsable, de pratiquer le tiers-payant sur le ticket modérateur même en cas de refus de de l'assuré.
• une minoration du remboursement de la Sécurité sociale, qui ne pourra être prise en charge par les complémentaires santé. Cette pénalité concernera tous les patients. Les textes réglementaires relatifs à cette sanction n'ont pas encore été publiés, elle ne s'applique donc pas pour le moment.
C'est dans ce contexte qu'a été publié un arrêté du 16 mai 2025 portant approbation de la convention-cadre nationale relative à l'établissement d'une convention-type entre les entreprises de taxi et les organismes locaux d'assurance maladie.
Il faut rappeler que seuls les taxis conventionnés font l'objet d'un remboursement par la Sécurité sociale (et donc par les complémentaires dans le cadre du contrat responsable).
Tous les taxis actuellement conventionnés seront éligibles à cette nouvelle convention, qu'ils pourront signer entre juin et septembre 2025. La nouvelle tarification s'appliquera à compter du 1er octobre 2025.
Pour des raisons de sécurité, seuls les taxis ayant une autorisation de stationner (ADS = le droit de s'arrêter pour prendre un client qui hèle le taxi dans la rue) exploitée en continu depuis plus de trois ans pourront être conventionnés.
Les CPAM devront s'assurer de la juste répartition territoriale du nombre des taxis conventionnés au regard des besoins sanitaires de la population concernée.
La nouvelle convention :
• supprime les remises (le tarif départemental s'appliquera désormais à taux plein),
• augmente et harmonise le forfait de prise en charge, qui sera le même partout en France (13 € incluant les 4 premiers kilomètres), avec une majoration pour les départs et les arrivées dans certaines villes et départements (+ 15 € pour un départ et/ou une arrivée à Bordeaux, Grenoble, Lille, Lyon, Marseille, Montpellier, Nantes, Nice, Paris, Rennes, Strasbourg, Toulouse, dans le 92, le 93 et le 94),
• rémunère uniquement les trajets effectués avec des patients. Pour un patient effectuant un aller-retour dans un établissement de santé, 2 trajets complets (forfait de prise en charge + indemnités kilométriques) seront facturés, un pour l'aller et un pour le retour,
• prend en compte l'aller ou le retour à vide en cas de transport pour hospitalisation (majoration des indemnités kilométriques de 50 % si le trajet fait au moins 50 km, de 25 % si le trajet est inférieur à 50 km),
• permet de facturer un trajet pour chaque personne transportée même si plusieurs personnes partagent le même véhicule, afin d'encourager le transport partagé (avec des abattements selon le nombre de personnes transportées),
• maintient la majoration « personne à mobilité réduite » (PMR) (+ 30€) et instaure une majoration pour les territoires d'outre-mer (+ 3 €) pour chaque trajet,
• supprime tous les autres dispositifs de majorations ou de minorations mis en place dans les départements, qui créent de fortes inégalités entre les artisans et entreprises de taxis et un modèle économique illisible et peu prévisible.
Afin de lutter contre la fraude, la nouvelle convention cadre prévoit de fiabiliser la facturation avec le déploiement d'ici le 1er janvier 2027 du Service électronique de facturation en ligne « SEFi ». A la même échéance, les entreprises de taxis devront se doter d'un système de géolocalisation certifié par l'Assurance maladie alimentant directement le logiciel de facturation (nombre de kilomètres effectués, lieux et heures de départ).
Face à la fronde des chauffeurs de taxis, qui estiment que l'unification de la tarification prévue par la nouvelle convention entrainerait une baisse de chiffre d'affaires pour les taxis ruraux, le gouvernement a promis l'organisation de réunions, dont l'une s'est tenue le 27 mai. La prochaine réunion aura lieu le 11 juin. Il n'est pas prévu à ce stade de revenir sur la convention, ni sur son calendrier.
> Loi n° 2023-1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024
> Article L. 322-5 et suivants du Code de la sécurité sociale
> Décret n° 2025-202 du 28 février 2025 relatif aux conditions de mise en œuvre des transports
> Article R. 322-11-1 et suivants du Code de la sécurité sociale
> Arrêté du 28 février 2025 relatif aux transports partagés
> Circulaire CNAM 05/2025
> Arrêté du 16 mai 2025