Mme [X], exerçant à son compte sa profession, a souscrit un contrat de prévoyance garantissant l'incapacité temporaire de travail et l'invalidité.
Victime d'un accident le 18 mars 2013, elle a déclaré ce sinistre à l'assureur et sollicité le bénéfice des garanties prévues au contrat. L'assureur lui a versé 469 jours d'indemnités journalières, du 18 mars 2013 au 30 juin 2014.
Soutenant que les dispositions contractuelles limitaient au maximum à 365 jours cumulés sur toute la durée de vie du contrat la période de prise en charge des arrêts de travail, l'assureur a opposé à Mme [X] un refus de garantie pour la période du 1er juillet au 30 septembre 2014. Contestant ce refus de garantie, Mme [X] a obtenu, en référé, la désignation d'un expert judiciaire.
Après le dépôt du rapport d'expertise qui, notamment, fixait la date de consolidation au 30 septembre 2014 et retenait, par référence aux dispositions contractuelles, un taux d'incapacité fonctionnelle de 15 % et un taux d'incapacité professionnelle de 75 %, Mme [X], contestant ces conclusions qui ne lui permettaient pas de bénéficier d'une rente d'invalidité permanente, a assigné l'assureur devant un tribunal judiciaire.
En appel, elle a sollicité en plus de sa demande initiale le paiement d'indemnités journalières complémentaires et du capital invalidité prévu au contrat.
Les juges d'appel ont déclaré irrecevables car prescrites les demandes de paiement des indemnités journalières complémentaires et du capital prévu par le contrat.
Pour déclarer prescrites ces demandes, l'arrêt relève :
• qu'elles ont été formées pour la première fois en cause d'appel,
• que l'action de l'assurée dérivant d'un contrat d'assurance se prescrit par deux ans à compter de l'événement y donnant naissance
• qu'en matière d'assurance contre les accidents corporels, le sinistre est constitué par la survenue de l'état d'incapacité ou d'invalidité de l'assuré, apprécié au jour de sa consolidation.
Il énonce que ce n'est qu'à compter de la consolidation de l'état d'invalidité de Mme [X], fixée au 30 septembre 2014 dans le rapport d'expertise du 9 mai 2016 qui a suspendu la prescription jusqu'à son dépôt, que le sinistre s'est constitué.
L'arrêt retient que l'assignation au fond n'a pas interrompu la prescription pour les demandes de versement du capital invalidité et des indemnités journalières complémentaires, lesquelles n'ont pas été soumises au premier juge, qui a uniquement été saisi de la demande en paiement d'une rente d'invalidité permanente.
Il constate que les nouvelles demandes ont été formulées en cause d'appel par conclusions du 21 avril 2021, plus de deux ans après le dépôt du rapport d'expertise.
La Cour de cassation casse et annule l'arrêt d'appel en ce qu'il déclare Mme [X] irrecevable en ses demandes formulées au titre du capital et des indemnités journalières complémentaires, pour cause de prescription.
Sur le fondement de l'article 2241 du code civil, les juges considèrent que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à l'autre, il en est autrement lorsque les deux actions tendent à un seul et même but.
Les juges considèrent qu'il ressortait des constatations que les deux actions successivement engagées tendaient l'une et l'autre à l'indemnisation du même sinistre, en exécution du même contrat d'assurance, et, en conséquence, au même but, ce dont il résultait que la prescription avait été interrompue par la demande initiale.
En principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à l'autre, mais il en est autrement lorsque les deux actions tendent à un seul et même but.
Les juges ont considéré qu'une action judiciaire engagée par un assuré interrompt la prescription biennale pour l'ensemble des demandes liées au même sinistre et au même contrat de prévoyance. Formulées plus tard au cours de la procédure, ces demandes bénéficient de l'effet interruptif de la prescription lorsqu'elles visent le même fait générateur.
En pratique, à la lumière de cet arrêt, dès lors que l'assuré a déjà engagé une action, l'assureur ne pourrait plus opposer la prescription d'une prestation, dès lors que plusieurs prestations sont rattachées à un même contrat et à un même sinistre.
> Cass. Civ. 2ème, 7 mai 2025, n° 23-20.113